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LA MOULE ET LA TRUITE – A propos de la moule perlière de la Diège.

Photo 1- On voit l'enveloppe de la moule (le periostracum) abimée laissant la coquille à nu. Une demoiselle (Calopteryx virgo autrement dit la vierge aux belles ailes) est venue prendre la pose. Malgré son nom il s'agit d'un mâle. Les demoiselles sont des agrions : leurs ailes sont collées au repos, pas pour les libellules dont les ailes sont étalées . (Sornac Bord de la Diège, 2006)
Photo 2 - Maquette représentant la position de la mulette au fond de la rivière. La «tête» est enfoncée dans le fond de la rivière. Les larves primitives ou glochidies libérées ont été représentées fortement grossies. Elles espèrent se fixer sur les branchies d'une truite de passage pour poursuivre leur développement. (Musée d'Histoire Naturelle de Colmar)
Photo 3 - Aspect de la coquille (valves) d'une moule de la Diège. L'enveloppe très abimée témoigne de son âge. Les coquilles vides que l'on trouve parfois témoignent de la présence de la moule.
Photo prise cet été par deux vacanciers. Les moules étaient dans notre étang

LA MOULE ET LA TRUITE

A propos de la moule perlière de la Diège.

Gaspard Michaud, malacologiste (spécialiste des mollusques) né à Sornac et réputé au 19ème siècle, mentionnait la moule perlière ou mulette perlière dans le Complément de l’Histoire des mollusques terrestres et fluviatiles de la France qu’il a rédigé en 1831.

Son nom latin : Margaritifera margaritifera signifie littéralement porteuse de perle. Cette moule figure parmi les mollusques dont la coquille est en deux parties, appelés de ce fait bivalves. Les espèces vivant en eau douce portent le joli nom de naïades.

A l’époque de Michaud, la moule perlière était commune dans les rivières. Elle est devenue rare mais elle reste encore présente dans la Diège.

Aujourd’hui, la mulette perlière est considérée comme une espèce menacée d’extinction au niveau mondial par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Sa disparition est essentiellement due à la pollution de l’eau.

L’exposition «Margaritifera margaritifera»  au musée d’histoire naturelle de Colmar (photo 2) en décembre 2022, alertait sur les risques de sa disparition dans les massifs cristallins, granitiques où elle vivait préférentiellement, notamment dans les Vosges.

Sur le plateau de Millevaches la situation semble un peu moins catastrophique. La Vienne est la seule rivière de France qui accueille les deux espèces de margaritiferidés: la mulette perlière et la grande mulette (Margaritifera auricularia).

La Diège est un des seuls affluents de la Dordogne où la mulette perlière est présente (1). La reproduction de la mulette est de plus étroitement liée  à la truite fario (Salmo trutta) qui véhicule sa larve, fixée sur ses branchies.

Le destin de la moule est donc fortement lié à celui de la truite.

 

Au bord de la Diège

Adolescent il m’est arrivé, en pêchant, de ramener une moule au bout de ma ligne appâtée au ver de terre ! Pourtant la mulette ne mange pas de telles proies, elle se nourrit de particules organiques en filtrant l’eau. Le hasard de cette prise témoigne sans doute d’une présence notable dans la Diège à cette époque.

Du fait de sa longévité exceptionnelle, jusqu’à 100 ans voire 150 ans en Scandinavie, il est difficile de dire si sa population a diminué en quelques décennies.

Le PNR de Millevaches a organisé, en 2006, une sortie sur la Diège au départ de Sornac pour faire connaître la mulette. Équipé d’un bathyscope (un appareil pour regarder le fond de la rivière) j’ai pu en apprendre beaucoup plus sur le mollusque.

C’était très instructif, mais le PNR n’a pas renouvelé l’expérience … car j’étais le seul participant !

Sur la photo 1, la moule a été sortie de l’eau pour la photographier.

Attention, il ne faut jamais la « replanter », on risque de se tromper de sens! A l’envers elle meurt. La seule chose à faire est de la remettre au fond de la rivière, à plat elle retrouvera elle même sa bonne position (photo 2).

La coquille est recouverte d’une enveloppe, une pellicule noire que l’on appelle PERIOSTRACUM qui protège le calcaire de l’acidité de l’eau. Cette protection peut disparaître avec le temps sur le sommet des valves chez les individus les plus âgés, comme on le voit sur les photos 2 – 3.

 

La reproduction de la moule perlière : entre le mâle et la femelle, il faut que le courant passe.

Les sexes sont différenciés mais ne sont pas identifiables. La femelle peut parfois se transformer dans certaines circonstances en mâle. Le principe de reproduction utilise le courant de la rivière, le mâle en amont, libère ses spermatozoïdes qui sont captés par la femelle, en aval !

Mais l’originalité ne s’arrête pas là. Une fois l’ovule fécondée, la petite larve est à son tour libérée dans l’eau, dans l’espoir qu’une truite de passage la prenne en auto-stop. La larve nommée GLOCHIDIE, peut alors se fixer sur les branchies de la truite pour poursuivre sa croissance pendant  quelques mois. Il faut quelle grossisse car elle ne mesure que 50 à 90 microns. ( Pour donner une idée, un globule blanc mesure 20 microns).

C’est une sorte de parasitisme, mais qui affecte peu la truite. Seule la truite fario ( Salmo trutta fario) convient à sa reproduction. La truite arc en ciel (Onchorynchis mykiss) peut transporter des glochidies mais sans permettre leur développement. Certains saumons conviendraient mais il n’y en a pas dans la Diège !!!

Quand la petite moule mesure presque un demi-millimètre, elle se laisse alors tomber et s’enfonce dans le fond la rivière, à 50 cm de profondeur. Dans les terrains granitiques, le fond de la rivière est un sable à gros grains et aéré qui convient le mieux à son développement, sinon la jeune moule dans un limon trop fin ne peut pas respirer.

Et là tranquillement elle peut rester de 2 à 5 ans.  Elle sortira ensuite avec une taille respectable de 1,5 ou 2 cm, mais ne deviendra adulte c’est à dire apte à la reproduction, que vers 12 ou 20 ans.

Trouver des formes juvéniles est donc un bon signe de son activité reproductive.

 

Les difficultés de sa protection

Malheureusement, les inventaires faits sur la Diège trouvent rarement des jeunes moules. Une étude sur la qualité des eaux, dans la perspective du développement des glochidies conclut que « la Diège possède encore un haut potentiel d’accueil de l’espèce qui reste à rechercher sur les affluents comme sur le cours d’eau principal.» (2).

Mais il faut tenir compte aussi des autres facteurs: la présence de la truite fario dont dépend sa reproduction mais aussi de l’état des berges de la rivière, de la présence de prédateurs ou d’espèces envahissantes.

 

Stéphane BARBAS Naturaliste amateur Sornac août 2023

 

RÉFÉRENCES

1 /Brice LABORDE. Inventaire des espèces d’intérêt communautaire de Margaritifera

Master dynamique des écosystèmes aquatiques

Stage effectué au PNR Millevaches en Limousin 2011

2 /LABORDE C. , NAUDON D. , NOILHAC F.  Améliorations des connaissances concernant les bivalves en Creuse Corrèze et Haute Vienne

Bilan suivis scientifiques 2019 des sites Natura 2000 de Nouvelle Aquitaine.

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